Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/292

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment la liberté en s’appuyant sur les doctrines du monopole.

Il y a sans doute bien de la témérité à un simple agriculteur de troubler, par une critique audacieuse, l’unanime concert d’éloges qui a accueilli, au dedans et au dehors de notre patrie, les réclamations du commerce français. Il n’a fallu rien moins pour l’y décider que la ferme conviction, je dirai même la certitude, que ces pétitions seraient aussi funestes, par leurs résultats, aux intérêts généraux, et particulièrement aux intérêts agricoles de la France, qu’elles le sont par leurs doctrines au progrès des connaissances économiques.

En m’élevant, au nom de l’agriculture, contre les projets de douanes présentés par les pétitionnaires, j’éprouve le besoin de commencer par déclarer que ce qui, dans ces projets, excite mes réclamations, ce n’est point ce qu’ils renferment de libéral dans les prémisses, mais d’exclusif dans les conclusions.

On demande que toute protection soit retirée aux matières premières, c’est-à-dire à l’industrie agricole, mais qu’une protection soit continuée à l’industrie manufacturière.

Je ne viens point défendre la protection qu’on attaque, mais attaquer la protection qu’on défend.

On réclame le privilége pour quelques-uns ; je viens réclamer la liberté pour tous.

L’agriculture doit de bien vendre au monopole qu’elle exerce, et de mal acheter au monopole qu’elle subit. S’il est juste de lui retirer le premier, il ne l’est pas moins de l’affranchir du second. (Voyez tome II, pages 25 et suiv.)

Vouloir nous livrer à la concurrence universelle, sans y soumettre les fabricants, c’est nous léser dans nos ventes sans nous soulager dans nos achats, c’est faire justement le contraire pour les manufacturiers. Si c’est là la liberté, qu’on me définisse donc le privilége.