Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/399

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et ayant en perspective le régime de la liberté, elle aurait su du moins dans quelles conditions elle devait vivre. C’eût été à elle à s’y renfermer, et il eût été bien entendu que s’il lui convenait de s’étendre au delà, c’était à ses périls et risques. L’État anéantissait ainsi toutes les difficultés ultérieures. Au lieu de cela, on a mieux aimé maintenir le monopole au sucre colonial et étouffer le sucre indigène sous le fardeau des taxes[1].

Bien plus, le gouvernement français n’a pas craint de proposer l’interdiction absolue de cette fabrication, principe monstrueux qui renferme virtuellement la mort légale de toute liberté industrielle et de tous les progrès de l’esprit humain. Je sais qu’on me dira que l’abaissement des droits sur les sucres étrangers et coloniaux eût laissé un vide au Trésor. J’en doute ; mais, après tout, c’est précisément ce que je veux prouver, savoir : qu’en France, on fait si bon marché de la liberté du travail et de l’échange, qu’on la sacrifie en toute rencontre et à la plus frivole considération.

Voici maintenant qu’on propose d’augmenter les droits sur les machines. Sans doute on trouve que notre industrie manufacturière n’a pas assez de difficultés à vaincre, puisqu’on veut lui imposer des machines coûteuses et imparfaites ? « Mais, dit-on, on fait en France des machines excellentes et à bon marché. » Alors, à quoi bon la protection ? Messieurs les industriels ont double face, comme Janus. S’agit-il d’obtenir des médailles, des primes d’encouragement ou simplement de recruter des actionnaires, oh ! alors ils sont magnifiques ; ils ont poussé leurs procédés à un point de perfection inespéré ; il n’y a pas de rivalité possible, et ils auront chaque année 100 pour 100 à donner à leurs bailleurs de fonds. Mais est-il question de monopole,

  1. V. Deux modes d’égalisation des taxes, t. II, p. 222. (Note de l’éditeur.)