Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/400

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de protection, ils se font petits, malhabiles, inintelligents, toute concurrence les importune ; et s’il fallait en croire leur modestie, il y aurait plus de science dans le petit doigt d’un ouvrier anglais que dans toutes les têtes du comité Mimerel.

Ce qui s’est passé à l’occasion des machines vaut la peine d’être raconté. Il y a trois ans, un membre du Parlement anglais vint à Paris pour négocier le traité de commerce. À cette époque, l’Angleterre prélevait des droits élevés sur l’exportation des machines. Le négociateur français vit là un obstacle au traité. On était d’accord sur le reste : l’Angleterre recevait nos vins ; nous admettions sa poterie et sa coutellerie. « Mais, disait-on au député de la Grande-Bretagne, la France manque de machines, surtout de métiers à filer et à tisser le lin. Pour le coton, nous pourrions à la rigueur nous suffire ; mais pour le lin, il est indispensable que vous nous laissiez arriver vos métiers francs de droits. » M. Bowring revint en Angleterre. On réunit les filateurs de lin, et on leur demanda s’ils renonceraient au monopole des machines anglaises. Ils y consentirent, et la difficulté était levée, lorsque, comme on le sait, le traité échoua devant la résistance des fabricants du Nord et par des considérations politiques qu’il est inutile de rappeler.

Qu’est-il arrivé cependant ? La réforme commerciale de 1842 a balayé, en Angleterre, les droits d’exportation sur les machines. Nous voilà, sans condition, en possession de cet avantage que nous réclamions avec tant d’insistance. Nos filatures de lin et de coton vont avoir enfin des machines excellentes, franches de droit. Mais voici bien une autre affaire. M. Cunin-Gridaine réclame un droit prohibitif sur ces machines tant désirées, et, chose qui passe toute croyance, les métiers à filer le coton, dont on pouvait se passer, ne payeront que 30 francs par 100 kilogrammes, et les métiers à filer le lin, dont on était si envieux, auront à