Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/405

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le monopole, à opposer la théorie de la restriction à la théorie de l’échange. Non, le privilége a compris ce qui pouvait prolonger son existence ; il a compris que, pour prévenir tout traité de commerce, toute union douanière, pour continuer à puiser paisiblement dans les poches du public, il fallait irriter les peuples les uns contre les autres, empêcher toute fusion, tout rapprochement, les tenir séparés par des difficultés politiques, et rendre une conflagration générale toujours imminente. Dès lors, au moyen de ses comités, de ses cotisations, il a porté toutes ses forces, toute son activité, toute son influence du côté des haines nationales. Il a soudoyé le journalisme parisien, lui créant ainsi un intérêt pécuniaire, outre l’intérêt de parti, à envenimer les questions extérieures ; et l’on peut dire que cette monstrueuse alliance a détourné notre pays des voies de la civilisation.

Au milieu de ces circonstances la presse départementale, la presse méridionale surtout, eût pu rendre de grands services ; mais soit qu’elle n’ait pas aperçu le mobile de ces machiavéliques intrigues, soit que tout cède en France à la crainte de paraître faiblir devant l’étranger, toujours est-il qu’elle a niaisement uni sa voix à celle des journaux stipendiés ; et aujourd’hui le privilége peut se croiser les bras en voyant les hommes du Midi, hommes spoliés et exploités, faire son œuvre comme il eût pu la faire lui-même, et consacrer toutes les ressources de leur intelligence, toute l’énergie de leurs sentiments à consolider les entraves, à perpétuer les extorsions qu’il lui plaît de nous infliger.

Cette faiblesse a porté ses fruits. Pour repousser les accusations dont il est accablé, le gouvernement n’avait qu’une chose à faire, et il l’a faite. Il a sacrifié une portion du pays.

Qu’on se rappelle le fameux discours de M. Guizot (29 février 1844). M. le ministre lui-même oserait-il dire qu’il y a injustice à le paraphraser ainsi :