Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/425

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tionaux ? Ce serait supposer qu’ils travaillent dans des conditions aussi favorables que les producteurs étrangers ; ce serait déclarer l’inutilité de la protection. Mais le régime restrictif, loin de présupposer cette égalité de conditions, aspire à la produire, et ici je dois faire remarquer un abus de mots qui conduit à de graves erreurs. — Ce ne sont pas les conditions de production, mais les conditions de placement que la protection égalise. Un droit élevé peut bien faire que les oranges mûries par la chaleur artificielle de nos serres se vendent au même prix que les oranges mûries par le soleil de Lisbonne. Mais il ne peut pas faire que les conditions de production soient égales en France et en Portugal. — Ainsi, cherté, rareté, sont les conséquences nécessaires de la protection, toutes les fois que la protection a des conséquences quelconques.

Partant de ces données, il est facile de voir ce qui arrivera si la France persévère dans le régime restrictif, pendant que l’Angleterre s’avance vers la liberté des échanges.

Déjà une foule de produits anglais sont à plus bas prix que les nôtres, puisque nous sommes réduits à les exclure. À mesure que la liberté produira en Angleterre ses effets naturels, le bon marché de tous les objets de consommation ; à mesure que la restriction produira en France ses conséquences nécessaires, la rareté, la cherté des moyens de subsistance, cette distance entre les prix des produits similaires ira toujours s’agrandissant, et il viendra un moment où les droits actuels seront insuffisants pour réserver à nos producteurs le marché national. Il faudra donc les élever, c’est-à-dire chercher le remède dans l’aggravation du mal. — Mais en admettant que la législation puisse toujours défendre notre marché, elle est au moins impuissante sur les marchés étrangers, et nous en serons infailliblement évincés, le jour, peu éloigné, je le crois, où les Îles Britanniques se seront déclarées port franc dans toute la force du mot.