Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/463

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nouvel horizon a été ouvert à de diaboliques alliances entre les cupidités industrielles et les intrigues politiques ?

Voici maintenant que les droits de douane varieront, non plus seulement selon les pays de provenance, mais encore suivant la destination de la marchandise.

Voyez comme s’élargit insensiblement le rôle du douanier !

D’abord, il n’avait qu’une question à adresser à la marchandise : « Qu’es-tu ? » Sur la réponse il prélevait la taxe, et tout était dit.

Plus tard, le dialogue s’est étendu à deux questions : « Qu’es-tu ? — Du fil. — D’où viens-tu ? — Que t’importe ? — Il m’importe que si tu viens de Bruxelles, tu payeras dix ; et si tu arrives de Manchester, tu payeras trente. » C’était bien le moins qu’on pût accorder à la ligue du monopole avec l’anglophobie.

Maintenant voici que le douanier aura droit à trois interrogations : « Qu’es-tu ? — Du fer. — D’où viens-tu ? car le droit varie selon que la nature t’avait déposé dans les mines du Westergothland ou dans celles du Cornouailles. — Je viens du Cornouailles. — À quoi es-tu destiné ? car le droit varie encore suivant que tu vas devenir navire ou charrue. »

Ainsi la douane gagne tous les jours du terrain. De fiscale qu’elle était, elle s’est faite protectrice, puis diplomate, ensuite industrielle. La voilà qui va s’immiscer dans tous nos travaux, se faire juge de leur importance relative ; non plus par des mesures générales, mais par une inquisition de détails qui ira jusqu’à nous demander compte de l’emploi de tous les matériaux que nous aurons à mettre en œuvre.

Mais laissons de côté ce principe exorbitant et nouveau qu’on veut introduire dans nos tarifs ; fermons les yeux au vaste horizon qu’il ouvre à la douane. A-t-on du moins