Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/475

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Y a-t-il d’ailleurs, dans ce qu’il vous plaît d’appeler l’école anglaise, comme si une science qui se borne à décrire les faits et leur enchaînement pouvait être d’un pays plutôt que d’un autre, comme s’il pouvait y avoir une géométrie russe, une mécanique hollandaise, une anatomie espagnole et une économie française ou anglaise ; y a-t-il, dis-je, dans cette école, des hommes qui, comme les prohibitionnistes, aient proclamé leurs doctrines pour abuser les esprits et bénéficier par l’erreur commune sciemment et volontairement répandue ? Non, vous n’en citeriez pas un seul. Aucune secte philosophique peut-être n’a offert le spectacle d’autant de dignité, de modération, de dévouement au bien public ; et si vous voulez y réfléchir, vous comprendrez qu’il devait en être ainsi.

Dans le XVIIIe siècle, quand l’astronomie n’était pas parvenue au point où elle est arrivée de nos jours, on avait remarqué une sorte d’aberration dans la marche des planètes. On avait constaté que les unes se rapprochaient, que les autres s’éloignaient du centre du mouvement ; et l’on se hâta de conclure que les premières s’enfonçaient de plus en plus dans les profondeurs glacées de l’espace, que les secondes allaient s’engloutir dans la matière incandescente du soleil. Laplace vint, il soumit ces prétendues aberrations au calcul, il démontra que si les planètes s’écartaient de leur orbite, la force qui les y rappelait s’augmentait en raison de cet éloignement même : « Par la toute-puissance d’une formule mathématique, dit M. Arago, le monde matériel se trouva raffermi sur ses fondements. » Pense-t-on que celui qui découvrit et mesura cette belle harmonie eût volontiers consenti, dans un intérêt personnel, à troubler ces admirables lois de la gravitation ?

L’économie des sociétés a eu aussi ses Laplace. S’il y a des perturbations sociales, ils ont aussi constaté l’existence de forces providentielles qui ramènent tout à l’équilibre,