Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/489

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progressive, et à imaginer des combinaisons artificielles qui n’attendent pour se réaliser que le consentement du genre humain. Nous ferons-nous tous Moraves ? nous enfermerons-nous dans un phalanstère ? N’abolirons-nous que l’hérédité, ou bien nous débarrasserons-nous aussi de la propriété et de la famille ? On n’est pas encore fixé à cet égard ; et, pour le moment, il n’est qu’une chose dont l’exclusion soit unanimement résolue, la liberté.

Fi de la liberté !
À bas la liberté !

On est d’accord sur ce point. Il ne reste plus au milliard d’hommes qui peuplent notre globe qu’à faire choix, parmi les mille plans qui ont vu le jour, de celui auquel ils préfèrent se soumettre, à moins cependant qu’il n’y en ait un meilleur parmi ceux que chaque matin voit éclore. Ce choix, il est vrai, offrira quelques difficultés, car messieurs les socialistes, quoiqu’ils prennent le même nom, sont loin d’avoir les mêmes projets sociaux. Voici M. Jobard qui pense que la propriété a encore la moitié de son domaine à acquérir, et qui veut y soumettre jusqu’à la plus fugitive pensée littéraire ou artistique ; mais voilà Saint-Simon qui n’admet pas même la propriété matérielle ; et entre eux se pose M. Blanc, qui reconnaît bien la propriété des produits du travail (sauf un partage de son invention), mais qui flétrit comme impie et sacrilége quiconque tire quelque avantage de son livre, de son tableau ou de sa partition, heureux pourtant M. Blanc de savoir se soumettre à la vulgaire pratique, en attendant le triomphe de sa théorie !

Au milieu de ces innombrables enfantements de Plans sociaux, nés de l’imagination échauffée de nos modernes Instituteurs de nations, la raison éprouve un charme indicible à se sentir ramenée, par le livre de M. Dunoyer, à l’étude d’un plan social aussi, mais d’un plan créé par la