Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/534

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La liberté des échanges, la libre communication des peuples, les produits variés du globe mis à la portée de tous, les idées pénétrant avec les produits dans les régions qu’assombrit l’ignorance, l’État affranchi des prétentions opposées des travailleurs, la paix des nations fondée sur l’entrelacement de leurs intérêts, c’est sans doute une grande et noble cause. Je suis heureux de penser que cette cause, éminemment chrétienne et sociale, est en même temps celle de notre malheureuse contrée, qui languit et périt sous les étreintes des restrictions commerciales.

L’enseignement se rattache aussi à cette question fondamentale qui, en politique, précède toutes les autres. Est-il dans les attributions de l’État ? est-il du domaine de l’activité privée ? Vous devinez ma réponse. Le gouvernement n’est pas institué pour asservir nos intelligences, pour absorber les droits de la famille. Assurément, messieurs, s’il vous plaît de résigner en ses mains vos plus nobles prérogatives, si vous voulez vous faire imposer par lui des théories, des systèmes, des méthodes, des principes, des livres et des professeurs, vous en êtes les maîtres ; mais ce n’est pas moi qui signerai en votre nom cette honteuse abdication de vous-mêmes. Ne vous en dissimulez pas d’ailleurs les conséquences. Leibnitz disait : « J’ai toujours pensé que si l’on était maître de l’éducation, on le serait de l’humanité. » C’est peut-être pour cela que le chef de l’enseignement par l’État, s’appelle Grand Maître. Le monopole de l’instruction ne saurait être raisonnablement confié qu’à une autorité reconnue infaillible. Hors de là, il y a des chances infinies pour que l’erreur soit uniformément enseignée à tout un peuple. « Nous avons fait la république, disait Robespierre, il nous reste à faire des républicains. » Bonaparte ne voulait faire que des soldats, Frayssinous que des dévots ; M. Cousin ferait des philosophes, Fourier des harmoniens, et moi sans doute des économistes. L’unité est