Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

disaient-ils, est en raison du taux de la taxe et de la quantité consommée. Exemple : si, l’impôt étant un, il se consomme dix livres de sucre, la recette sera dix. Cette recette s’accroîtra, soit que le taux de la taxe s’élève, la consommation restant la même, soit que la consommation s’étende, le taux de la taxe ne variant pas. Elle baissera si l’un ou l’autre de ces éléments s’altère ; elle baissera encore quoique l’un des deux augmente, si l’autre diminue dans une plus forte proportion. Ainsi, quoiqu’on élève la taxe à 2, si la consommation se réduit à 4, la recette ne sera que de 8. Dans ce dernier cas, la privation pour le peuple sera énorme, — sans profit, bien plus, avec dommage pour le Trésor. »

Cela posé, ce multiplicateur et ce multiplicande sont-ils indépendants entre eux, ou ne peut-on grossir l’un qu’aux dépens de l’autre ? Les théoriciens répondaient : « La taxe agit comme tous les frais de production, elle élève le prix des choses, et les place hors de la portée d’un certain nombre d’hommes. D’où cette conclusion mathématique : si un impôt est graduellement et indéfiniment élevé, par cela même qu’à chaque degré d’élévation il restreint un peu plus la consommation ou la matière imposable, un moment arrive nécessairement où la moindre addition à la taxe diminue la recette. »

Que les protectionnistes sincères, et ils sont nombreux, nous permettent de recommander ce phénomène à leur attention. Nous verrons plus tard que l’excès de la protection leur fait jouer le même rôle qu’au Trésor l’exagération des taxes.

Les théoriciens ne se bornèrent pas à ce théorème arithmétique. Creusant un peu plus dans la question, ils disaient : Si le gouvernement eût mieux connu l’état déplorable des ressources du peuple, il n’aurait pas fait une tentative qui le couvre de confusion.