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LE LIBRE-ÉCHANGE

historiquement. Permettez-moi de vous rendre compte fort succinctement de l’état de la législation sur cette matière.

J’ai défini devant vous la propriété. J’ai dit : « Toute production appartient à celui qui l’a formée, et parce qu’il l’a formée. » Messieurs, il fut un temps où l’on était bien loin de reconnaître un principe qui nous paraît aujourd’hui si simple. Vous comprendrez que ce principe ne pouvait être admis ni dans le droit romain, ni par l’aristocratie féodale, ni par les rois absolus ; car il eût renversé une société fondée sur la conquête, l’usurpation et l’esclavage. Comment voulez-vous que les Romains, qui vivaient sur le travail des nations conquises ou des esclaves, que les Normands, qui vivaient sur le travail des Saxons, pussent donner pour base à leur droit public cette maxime subversive de toute spoliation organisée : « Une production appartient à celui qui l’a formée. »

À l’époque où l’imprimerie fut inventée, un autre droit existait en Europe. Le roi était le maître, le propriétaire universel des choses et des hommes. Permettre de travailler était un droit dominical et royal. La règle était que tout émanait du prince. Nul n’avait le droit d’exercer une profession. Le droit ne pouvait résulter que d’une concession royale. Le roi désignait les personnes qu’il lui plaisait de placer dans l’exception pour un genre de travail déterminé, à qui il voulait bien, par monopole, par privilége, privata lex, conférer la faculté de vivre en travaillant.

La profession d’écrivain ne pouvait échapper à cette règle. Aussi l’édit du 26 août 1686, le premier qui se soit occupé de ces matières, dispose ainsi : « Il est défendu à tous les imprimeurs et libraires d’imprimer et mettre en vente un ouvrage pour lequel aucun privilége n’aura été accordé, sous peine de confiscation et de punition exemplaire. »

Et remarquez, Messieurs, que toute la théorie de la pro-