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Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/354

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LE LIBRE-ÉCHANGE

nuit à lire un petit ouvrage où l’auteur flétrit avec une grande énergie quiconque tire la moindre rémunération du travail intellectuel. Le lendemain matin, j’ouvris un journal, et, par une coïncidence assez bizarre, la première chose que j’y lus, c’est que ce même auteur venait de vendre ses œuvres pour une somme considérable. Voilà tout le désintéressement du siècle, morale que nous nous imposons les uns aux autres, sans nous y conformer nous-mêmes. En tout cas, le désintéressement, tout admirable qu’il est, ne mérite même plus son nom s’il est exigé par la loi, et la loi est bien injuste si elle ne l’exige que des ouvriers de la pensée.

Pour moi, convaincu par une observation constante et par les actes des déclamateurs eux-mêmes, que l’intérêt est un mobile individuel indestructible et un ressort social nécessaire, je suis heureux de comprendre qu’en cette circonstance, comme dans beaucoup d’autres, il coïncide dans ses effets généraux avec la justice et le plus grand bien universel : aussi je m’associe de tout cœur à votre utile entreprise.

Votre bien dévoué.

Frédéric Bastiat,
« Rédacteur en chef du Libre-Échange. »