Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/358

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teur avait-il des esclaves ? Ce n’est pas pour en faire parade ou pour les garder comme des canaris en cage, mais pour consommer le fruit de leur travail. Or, c’est précisément là le principe qui dirige les défenseurs de la loi-céréale. Ils veulent s’attribuer, sur le produit des classes manufacturières et commerciales, une plus grande part que celle à laquelle ils ont un juste droit…

La question, dans ses rapports avec la liberté civile, me paraît donc aussi simple qu’importante. Cependant j’ai entendu de profonds théologiens, versés dans la philosophie ancienne, dans les mathématiques, capables d’écrire et de composer en hébreu et en sanscrit, déclarer que cette loi-céréale était si compliquée, si difficile, si inextricable, qu’ils n’osaient s’en occuper. Je crains bien que ces excellents théologiens de l’Église d’Angleterre n’aperçoivent ces difficultés que parce qu’ils oublient cette maxime, que pourtant ils citent souvent : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » Je crains que l’acte de commutation des dîmes ecclésiastiques n’ait introduit dans leur esprit des idées préconçues, et que ce qu’ils redoutent surtout, c’est que l’abrogation des lois-céréales, en diminuant le prix du pain, ne diminue aussi la valeur de leur dîme. Si ce n’était cette appréhension, j’ose croire que le clergé anglican serait pour nous, car le principe de la liberté est en parfaite harmonie avec la morale chrétienne, et les meilleurs arguments qu’on puisse invoquer en sa faveur se trouvent encore dans la Bible. (Applaudissements.)

… La liberté commerciale tend à réaliser par elle-même tout ce qui fait l’objet des vœux du philanthrope. Elle offre les moyens de répandre la civilisation et la liberté religieuse, non-seulement dans les possessions britanniques, mais dans toutes les parties du globe. Si nous voulons voir le Brésil et Cuba affranchir leurs esclaves, il ne faut pas isoler ces contrées des nations plus civilisées où l’esclavage est en horreur. Quelle était noire conduite, alors que nous étions nous-mêmes possesseurs d’esclaves, alors que nous tous, hélas ! et jusqu’aux évêques de la Chambre des lords, soutenions la traite des nègres ? Comment agissions-nous ? Le gouvernement de ce pays connaissait bien