Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/505

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seul pouvait justifier. Il y a encore là un double et solide gage pour la paix du monde.

Je m’arrête, ma lettre prendrait des proportions inconvenantes, si je voulais y signaler tous les fruits dont le libre échange est le germe.

Convaincu de la fécondité de cette grande cause, j’aurais voulu y travailler activement dans mon pays. Nulle part les intelligences ne sont plus vives ; nulle part les cœurs ne sont plus embrasés de l’amour de la justice universelle, du bien absolu, de la perfection idéale. La France se fût passionnée pour la grandeur, la moralité, la simplicité, la vérité du libre-échange. Il ne s’agissait que de vaincre un préjugé purement économique, d’établir pour ainsi dire un compte commercial, et de prouver que l’échange, loin de nuire au travail national, s’étend toujours tant qu’il fait du bien, et s’arrête, par sa nature, en vertu de sa propre loi, quand il commencerait à faire du mal ; d’où il suit qu’il n’a pas besoin d’obstacles artificiels et législatifs. L’occasion était belle, — au milieu du choc des doctrines qui se sont heurtées dans ce pays, — pour y élever le drapeau de la liberté. Il eût certainement rallié à lui toutes les espérances et toutes les convictions. C’est dans ce moment qu’il a plu à la Providence, dont je ne bénis pas moins les décrets, de me retirer ce qu’elle m’avait accordé de force et de santé ; ce sera donc à un autre d’accomplir l’œuvre que j’avais rêvée, et puisse-t-il se lever bientôt !

C’est ce motif de santé, ainsi que mes devoirs parlementaires, qui me forcent à m’abstenir de paraître à la démocratique solennité à laquelle vous me conviez. Je le regrette profondément, c’eût été un bel épisode de ma vie et un précieux souvenir pour le reste de mes jours. Veuillez faire agréer mes excuses au comité et permettez-moi, en terminant, de m’associer de cœur à votre fête par ce toast :

À la liberté commerciale des peuples ! à la libre circula-