Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/106

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peine que la vie de ses habitants ne s’éteigne dans les convulsions de la famine, de l’émeute et du pillage. Et cependant tous dorment en ce moment sans que leur paisible sommeil soit troublé un seul instant par l’idée d’une aussi effroyable perspective. D’un autre côté, quatre-vingts départements ont travaillé aujourd’hui, sans se concerter, sans s’entendre, à l’approvisionnement de Paris. Comment chaque jour amène-t-il ce qu’il faut, rien de plus, rien de moins, sur ce gigantesque marché ? Quelle est donc l’ingénieuse et secrète puissance qui préside à l’étonnante régularité de mouvements si compliqués, régularité en laquelle chacun a une foi si insouciante, quoiqu’il y aille du bien-être et de la vie ? Cette puissance, c’est un principe absolu, le principe de la liberté des transactions. Nous avons foi en cette lumière intime que la Providence a placée au cœur de tous les hommes, à qui elle a confié la conservation et l’amélioration indéfinie de notre espèce, l’intérêt, puisqu’il faut l’appeler par son nom, si actif, si vigilant, si prévoyant, quand il est libre dans son action. Où en seriez-vous, habitants de Paris, si un ministre s’avisait de substituer à cette puissance les combinaisons de son génie, quelque supérieur qu’on le suppose ? s’il imaginait de soumettre à sa direction suprême ce prodigieux mécanisme, d’en réunir tous les ressorts en ses mains, de décider par qui, où, comment, à quelles conditions chaque chose doit être produite, transportée, échangée et consommée ? Oh ! quoiqu’il y ait bien des souffrances dans votre enceinte, quoique la misère, le désespoir, et peut-être l’inanition, y fassent couler plus de larmes que votre ardente charité n’en peut sécher, il est probable, il est certain, j’ose le dire, que l’intervention arbitraire du gouvernement multiplierait à l’infini ces souffrances, et étendrait sur vous tous les maux qui ne frappent qu’un petit nombre de vos concitoyens.

Eh bien ! cette foi que nous avons tous dans un principe,