Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/27

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nelle. À son point de vue, la maladie, c’est-à-dire un obstacle général au bien-être des hommes, est une cause de bien-être individuel. Tous les producteurs font, en ce qui les concerne, le même raisonnement. L’armateur tire ses profits de l’obstacle qu’on nomme distance ; l’agriculteur, de celui qu’on nomme faim ; le fabricant d’étoffes, de celui qu’on appelle froid ; l’instituteur vit sur l’ignorance, le lapidaire sur la vanité, l’avoué sur la cupidité, le notaire sur la mauvaise foi possible, comme le médecin sur les maladies des hommes. Il est donc très-vrai que chaque profession a un intérêt immédiat à la continuation, à l’extension même de l’obstacle spécial qui fait l’objet de ses efforts.

Ce que voyant, les théoriciens arrivent qui fondent un système sur ces sentiments individuels, et disent : Le besoin, c’est la richesse ; le travail, c’est la richesse ; l’obstacle au bien-être, c’est le bien-être. Multiplier les obstacles, c’est donner de l’aliment à l’industrie.

Puis surviennent les hommes d’État. Ils disposent de la force publique ; et quoi de plus naturel que de la faire servir à développer, à propager les obstacles, puisque aussi bien c’est développer et propager la richesse ? Ils disent, par exemple : Si nous empêchons le fer de venir des lieux où il abonde, nous créerons chez nous un obstacle pour s’en procurer. Cet obstacle, vivement senti, déterminera à payer pour en être affranchi. Un certain nombre de nos concitoyens s’attachera à le combattre, et cet obstacle fera leur fortune. Plus même il sera grand, plus le minerai sera rare, inaccessible, difficile à transporter, éloigné des foyers de consommation, plus cette industrie, dans toutes ses ramifications, occupera de bras. Excluons donc le fer étranger ; créons l’obstacle, afin de créer le travail qui le combat.

Le même raisonnement conduira à proscrire les machines.

Voilà, dira-t-on, des hommes qui ont besoin de loger leur