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PROPRIÉTÉ ET SPOLIATION.

Quelque étrange que cela puisse paraître, j’affirme que le régime propriétaire tend à réaliser de plus en plus, sous nos yeux, cette utopie. C’est pour cela que j’ai dit en commençant que la propriété était essentiellement démocratique.

Sur quel fonds vit et se développe l’humanité ? sur tout ce qui sert, sur tout ce qui est utile. Parmi les choses utiles, il y en a auxquelles le travail humain reste étranger, l’air, l’eau, la lumière du soleil ; pour celles-là la gratuité, la Communauté est entière. Il y en a d’autres qui ne deviennent utiles que par la coopération du travail et de la nature. L’utilité se décompose donc en elles. Une portion y est mise par le Travail, et celle-là seule est rémunérable, a de la Valeur et constitue la Propriété. L’autre portion y est mise par les agents naturels, et celle-ci reste gratuite et Commune.

Or, de ces deux forces qui concourent à produire l’utilité, la seconde, celle qui est gratuite et commune, se substitue incessamment à la première, celle qui est onéreuse et par suite rémunérable. C’est la loi du progrès. Il n’y a pas d’homme sur la terre qui ne cherche un auxiliaire dans les puissances de la nature, et quand il l’a trouvé, aussitôt il en fait jouir l’humanité tout entière, en abaissant proportionnellement le prix du produit.

Ainsi, dans chaque produit donné, la portion d’utilité qui est à titre gratuit se substitue peu à peu à cette autre portion qui reste à titre onéreux.

Le fonds commun tend donc à dépasser dans des proportions indéfinies le fonds approprié, et l’on peut dire qu’au sein de l’humanité le domaine de la communauté s’élargit sans cesse.

D’un autre côté, il est clair que, sous l’influence de la liberté, la portion d’utilité qui reste rémunérable ou appropriable tend à se répartir d’une manière sinon rigoureuse-