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PAMPHLETS.

ment égale, du moins proportionnelle aux services rendus, puisque ces services mêmes sont la mesure de la rémunération.

On voit par là avec quelle irrésistible puissance le principe de la Propriété tend à réaliser l’égalité parmi les hommes. Il fonde d’abord un fonds commun que chaque progrès grossit sans cesse, et à l’égard duquel l’égalité est parfaite, car tous les hommes sont égaux devant une valeur anéantie, devant une utilité qui a cessé d’être rémunérable. Tous les hommes sont égaux devant cette portion du prix des livres que l’imprimerie a fait disparaître.

Ensuite, quant à la portion d’utilité qui correspond au travail humain, à la peine ou à l’habileté, la concurrence tend à établir l’équilibre des rémunérations, et il ne reste d’inégalité que celle qui se justifie par l’inégalité même des efforts, de la fatigue, du travail, de l’habileté, en un mot, des services rendus ; et, outre qu’une telle inégalité sera éternellement juste, qui ne comprend que, sans elle, les efforts s’arrêteraient tout à coup ?

Je pressens l’objection ! Voilà bien, dira-t-on, l’optimisme des économistes. Ils vivent dans leurs théories et ne daignent pas jeter les yeux sur les faits. Où sont, dans la réalité, ces tendances égalitaires ? Le monde entier ne présente-t-il pas le lamentable spectacle de l’opulence à côté du paupérisme ? du faste insultant le dénûment ? de l’oisiveté et de la fatigue ? de la satiété et de l’inanition ?

Cette inégalité, ces misères, ces souffrances, je ne les nie pas. Et qui pourrait les nier ? Mais je dis : Loin que ce soit le principe de la Propriété qui les engendre, elles sont imputables au principe opposé, au principe de la Spoliation.

C’est ce qui me reste à démontrer.