Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/464

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et sublimes choses (la spoliation, la guerre et l’esclavage), c’est l’histoire de l’humanité sous des images simples, grandes, ineffaçables… L’instruction secondaire forme ce qu’on appelle les classes éclairées d’une nation. Or, si les classes éclairées ne sont pas la nation tout entière, elles la caractérisent. Leurs vices, leurs qualités, leurs penchants bons et mauvais sont bientôt ceux de la nation tout entière, elles font le peuple lui-même par la contagion de leurs idées et de leurs sentiments[1]. » (Très-bien.)


Rien n’est plus vrai, et rien n’explique mieux les déviations funestes et factices de nos révolutions.


« L’antiquité, ajoutait M. Thiers, osons le dire à un siècle orgueilleux de lui-même, l’antiquité est ce qu’il y a de plus beau au monde. Laissons, Messieurs, laissons l’enfance dans l’antiquité, comme dans un asile calme, paisible et sain, destiné à la conserver fraîche et pure. »


Le calme de Rome ! la paix de Rome ! la pureté de Rome ! oh ! si la longue expérience et le remarquable bon sens de M. Thiers n’ont pu le préserver d’un engouement si étrange, comment voulez-vous que notre ardente jeunesse s’en défende[2] ?

  1. Rapport de M. Thiers sur la loi de l’instruction secondaire. 1844.
  2. L’éloignement ne contribue pas peu à donner à des figures antiques un caractère de grandeur. Si l’on nous parle du citoyen romain, nous ne nous représentons pas ordinairement un brigand occupé d’acquérir, aux dépens de peuples pacifiques, du butin et des esclaves ; nous ne le voyons pas circuler, à demi nu, hideux de malpropreté, dans des rues bourbeuses ; nous ne le surprenons pas fouettant jusqu’au sang ou mettant à mort l’esclave qui montre un peu d’énergie et de fierté. — Nous préférons nous représenter une belle tête supportée par un buste plein de force et de majesté, et drapé comme une statue antique. Nous aimons à contempler ce personnage dans ses méditations sur les hautes destinées de sa patrie. Il nous semble voir sa famille entourant le foyer qu’honore la présence des dieux ; l’épouse préparant le simple repas du guerrier et jetant un regard de confiance et d’admiration sur le front de son époux ; les jeunes enfants attentifs aux discours d’un vieillard qui endort les heures par le récit des exploits et des vertus de leur père…

    Oh ! que d’illusions seraient dissipées si nous pouvions évoquer le passé, nous promener dans les rues de Rome, et voir de près les hommes que, de loin, nous admirons de si bonne foi ! …(Ébauche inédite de l’auteur, un peu antérieure à 1830.)