Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/510

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Et cet effroyable désordre moral ne naît pas d’une perversion de volontés individuelles abandonnées à leur libre arbitre. Non, il est législativement imposé par le mécanisme des grades universitaires. M. de Montalembert lui-même, tout en regrettant que l’étude des lettres antiques ne fût pas assez forte, a cité les rapports des inspecteurs et doyens des facultés. Ils sont unanimes pour constater la résistance, je dirai presque la révolte du sentiment public contre une tyrannie si absurde et si funeste. Tous constatent que la jeunesse française calcule avec une précision mathématique ce qu’on l’oblige d’apprendre et ce qu’on lui permet d’ignorer, en fait d’études classiques, et qu’elle s’arrête juste à la limite où les grades s’obtiennent. En est-il de même dans les autres branches des connaissances humaines, et n’est-il pas de notoriété publique que, pour dix admissions, il se présente cent candidats tous supérieurs à ce qu’exigent les programmes ? Que le législateur compte donc la raison publique et l’esprit des temps pour quelque chose.

Est-ce un barbare, un Welche, un Gépide qui ose ici prendre la parole ? Méconnaît-il la suprême beauté des monuments littéraires légués par l’antiquité, ou les services rendus à la cause de la civilisation par les démocraties grecques ?

Non certes, il ne saurait trop répéter qu’il ne demande pas à la loi de proscrire, mais de ne pas prescrire. Qu’elle laisse les citoyens libres. Ils sauront bien remettre l’histoire dans son véritable jour, admirer ce qui est digne d’admiration, flétrir ce qui mérite le mépris, et se délivrer de ce conventionalisme classique qui est la plaie funeste des sociétés modernes. Sous l’influence de la liberté, les sciences naturelles et les lettres profanes, le christianisme et le paganisme, sauront bien se faire, dans l’éducation, la juste part qui leur revient, et c’est ainsi que se rétablira entre les idées, les mœurs et les intérêts, l’Harmonie qui est, pour les