Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/244

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enfin, à quoi bon disputer, si nous sommes d’accord sur ce fait que les transactions de crédit doivent être libres ?

Assurément, s’il est dans la nature du capital de se prêter gratuitement, ce sera sous le régime de la liberté, et sans doute vous ne demandez pas cette révolution à la contrainte.

Attaquons donc le privilége de la Banque de France, ainsi que tous les priviléges. Réalisons la liberté et laissons-la agir. Si vous avez raison, s’il est dans la nature du crédit d’être gratuit, la liberté développera cette nature, — et soyez bien convaincu que je serai, si je vis encore, le premier à m’en réjouir. J’emprunterai gratis, et pour le reste de mes jours, une belle maison sur le boulevard, avec un mobilier assorti et un million au bout. Mon exemple sera sans doute contagieux, et il y aura emprunteurs dans le monde. Pourvu que les prêteurs ne fassent pas défaut, nous mènerons tous joyeuse vie.

Et puisque le sujet m’y entraîne, voulez-vous, tout profane que je suis, que je dise un mot, en terminant, de la métaphysique des antinomies ? Je n’ai pas étudié Hégel, mais je vous ai lu, et voici l’idée que je m’en suis formée.

Oui, il est une multitude de choses dont on peut dire avec vérité qu’elles sont un bien et un mal, selon qu’on les considère dans leur rapport avec l’infirmité humaine ou au point de vue de la perfection absolue.

Nos jambes sont un bien, car elles nous permettent de nous transporter d’un lieu à un autre. Elles sont un mal aussi, car elles attestent que nous n’avons pas le don de l’ubiquité.

Il en est ainsi de tout remède douloureux et efficace ; il est un bien et un mal : un bien parce qu’il est efficace ; un mal parce qu’il est douloureux.

Il est donc vrai que l’on peut voir des antinomies dans chacune de ces idées : Capital, intérêt, propriété, concurrence, machines, État, travail, etc.