Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/245

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Oui, si l’homme était absolument parfait, il n’aurait pas à payer d’intérêts, car les capitaux naîtraient pour lui spontanément et sans mesure, ou plutôt il n’aurait pas besoin de capitaux.

Oui, si l’homme était absolument parfait, il n’aurait pas à travailler : un fiat suffirait à satisfaire ses désirs.

Oui, si l’homme était absolument parfait, nous n’aurions que faire de gouvernement ni d’État. Comme il n’y aurait pas de procès, il ne faudrait pas de juges. Comme il n’y aurait ni crimes ni délits, il ne faudrait pas de police. Comme il n’y aurait pas de guerres, il ne faudrait pas d’armées.

Oui, si l’homme était absolument parfait, il n’y aurait pas de propriété, car chacun ayant, comme Dieu, la plénitude des satisfactions, on ne pourrait imaginer la distinction du tien et du mien.

Les choses étant ainsi, on conçoit qu’une métaphysique subtile, abusant du dogme incontestable de la perfectibilité humaine, vienne dire : Nous marchons vers un temps où le crédit sera gratuit, où l’État sera anéanti. Ce n’est même qu’alors que la société sera parfaite, car les idées intérêt, État, sont exclusives de l’idée : Perfection.

Autant elle en pourrait dire des idées : travail, bras, jambes, yeux, estomac, intelligence, vertu, etc.

Et certes, cette métaphysique tomberait dans le plus grossier sophisme, si elle ajoutait : Puisque la société ne sera arrivée à la perfection que lorsqu’elle ne connaîtra plus l’intérêt et l’État, supprimons l’État et l’intérêt, et nous aurons la société parfaite.

C’est comme si elle disait : Puisque l’homme n’aura plus que faire de ses jambes quand il aura le don de l’ubiquité, pour le rendre ubiquiste, coupons-lui les jambes.

Le sophisme consiste à dissimuler que ce qu’on nomme ici un mal est un remède ; que ce n’est pas la suppression du