remède qui fait la perfection, que c’est, au contraire, la perfection qui rend le remède inutile[1].
Mais on conçoit combien la métaphysique dont je parle peut troubler et égarer les esprits, si elle est habilement maniée par un vigoureux publiciste.
Il lui sera aisé, en effet, de montrer, tour à tour, comme un bien et comme un mal, la propriété, la liberté, le travail, les machines, le capital, l’intérêt, la magistrature, l’État.
Il pourra intituler son livre : Contradictions économiques. Tout y sera alternativement attaqué et défendu. Le faux y revêtira toujours les couleurs du vrai. Si l’auteur est un grand écrivain, il couvrira les principes du bouclier le plus solide, en même temps qu’il tournera contre eux les armes les plus dangereuses.
Son livre sera un inépuisable arsenal pour et contre toutes les causes. Le lecteur arrivera au bout sans savoir où est la vérité, où est l’erreur. Effrayé de se sentir envahi par le scepticisme, il implorera le maître et lui dira ce qu’on disait à Kant : De grâce, dégagez l’inconnue. Mais l’inconnue ne se dégagera pas.
Que si, joueur téméraire, vous entrez dans la lice, vous ne saurez par où prendre le terrible athlète, car celui-ci s’est ménagé, par son système, un monde de refuges.
Lui diriez-vous : Je viens défendre la propriété ? Il vous répondra : Je l’ai défendue mieux que vous. — Et cela est vrai. Lui direz-vous : Je viens attaquer la propriété ? Il vous répondra : Je l’ai attaquée avant vous. — Et c’est encore vrai. Soyez pour ou contre le crédit, l’État, le travail, la religion, vous le trouverez toujours prêt à approuver ou à contredire, son livre à la main.
Et tout cela, pour avoir faussement conclu de la perfecti-
- ↑ L’auteur avait déjà présenté, sous une autre forme, la réfutation de ce sophisme. Voy. page 57. (Note de l’éditeur.)