Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/537

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privilége de vendre les produits gouvernementaux avaient aussi celui d’en déterminer la quantité, la qualité et le prix[1].

C’est pourquoi, en présence de cette vaste organisation qu’on appelle le gouvernement, et qui, comme tous les corps organisés, aspire incessamment à s’accroître, la nation, représentée par ses députés, décide elle-même sur quels points, dans quelle mesure, à quel prix elle entend être gouvernée et administrée.

Que si, pour régler ces choses, elle choisit les gouvernants eux-mêmes, il est fort à croire qu’elle sera bientôt administrée à merci et miséricorde, jusqu’à épuisement de sa bourse.

Aussi je comprends que les hommes portés vers les moyens extrêmes aient songé à dire à la nation : « Je te défends de te faire représenter par des fonctionnaires. » C’est l’incompatibilité absolue.

Pour moi, je suis très-porté à tenir à la nation le même langage, mais seulement à titre de conseil. Je ne suis pas bien sûr d’avoir le droit de convertir ce conseil en prohibition. Assurément, si le suffrage universel est laissé libre, cela veut dire qu’il pourra se tromper. S’ensuit-il que, pour prévenir ses erreurs, nous devions le dépouiller de sa liberté ?

Mais ce que nous avons le droit de faire, comme chargés de formuler une loi électorale, c’est d’assurer l’indépendance du fonctionnaire élu représentant, de le mettre sur le pied de l’égalité avec ses collègues, de le soustraire aux caprices de ses chefs, et de régler sa position, pendant la durée du mandat, en ce qu’elle pourrait avoir d’antagonique au bien public.

  1. V. au tome IV, les pages 10 et 11 ; au tome VI, le chap. xvii ; et, au présent tome, la page 443 et suiv. (Note de l’éditeur.)