Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/66

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tant comme coïncidant avec la perfection sociale, le lecteur me permettra d’examiner en peu de mots ce nouveau point de vue de la question.

Qu’est-ce que l’intérêt ? c’est le service rendu, après libre débat, par l’emprunteur au prêteur, en rémunération du service qu’il en a reçu par le prêt.

D’après quelle loi s’établit le taux de ces services rémunératoires du prêt ? D’après la loi générale qui règle l’équivalence de tous les services, c’est-à-dire d’après la loi de l’offre et de la demande. Plus une chose est facile à se procurer, moins on rend service en la cédant ou prêtant. L’homme qui me donne un verre d’eau, dans les Pyrénées, ne me rend pas un aussi grand service que celui qui me céderait un verre d’eau, dans le désert de Sahara. S’il y a beaucoup de rabots, de sacs de blé, de maisons dans un pays, on en obtient l’usage (cæteris paribus) à des conditions plus favorables que s’il y en a peu, par la simple raison que le prêteur rend en ce cas un moindre service relatif.

Il n’est donc pas surprenant que plus les capitaux abondent, plus l’intérêt baisse.

Est-ce à dire qu’il arrivera jamais à zéro ? non, parce que, je le répète, le principe d’une rémunération est invinciblement dans le prêt. Dire que l’intérêt s’anéantira, c’est dire qu’il n’y aura plus aucun motif d’épargner, de se priver, de former de nouveaux capitaux, ni même de conserver les anciens. En ce cas, la dissipation ferait immédiatement le vide, et l’intérêt reparaîtrait aussitôt[1].

En cela, le genre de services dont nous nous occupons ne diffère d’aucun autre. Grâce au progrès industriel, une paire de bas qui valait 6 fr., n’a plus valu successivement que 4 fr., 3 fr., 2 fr. Nul ne petit dire jusqu’à quel point

  1. Pour la distinction entre les divers éléments de l’intérêt, voy., au pamphlet Gratuité du crédit, les dernières pages de la 12e lettre. (Note de l’éditeur.)