Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/77

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— C’est bien peu.

— C’est tout ce dont je puis disposer. Commencez, et expliquez-moi d’abord comment une méprise sur le numéraire, si méprise il y a, se trouve au fond de toutes les erreurs économiques.

— Là, franchement, la main sur la conscience, ne vous est-il jamais arrivé de confondre la richesse avec l’argent ?

— Je ne sais ; je ne me suis jamais morfondu sur l’économie politique. Mais, après tout, qu’en résulterait-il ?

— Pas grand’chose. Une erreur dans votre cervelle sans influence sur vos actes ; car, voyez-vous, en matière de travail et d’échange, quoiqu’il y ait autant d’opinions que de têtes, nous agissons tous de la même manière.

— À peu près comme nous marchons d’après les mêmes principes, encore que nous ne soyons pas d’accord sur la théorie de l’équilibre et de la gravitation.

— Justement. Quelqu’un qui serait conduit par ses inductions à croire que, pendant la nuit, nous avons la tête en bas et les pieds en haut, pourrait faire là-dessus de beaux livres, mais il se tiendrait comme tout le monde.

— Je le crois bien. Sinon, il serait vite puni d’être trop bon logicien.

— De même, cet homme mourrait bientôt de faim qui, s’étant persuadé que l’argent est la richesse réelle, serait conséquent jusqu’au bout. Voilà pourquoi cette théorie est fausse, car il n’y a de théorie vraie que celle qui résulte des faits mêmes, tels qu’ils se manifestent en tous temps ou en tous lieux.

— Je comprends que, dans la pratique et sous l’influence de l’intérêt personnel, la conséquence funeste de l’acte erroné tend incessamment à redresser l’erreur. Mais si celle dont vous parlez a si peu d’influence, pourquoi vous donne-t-elle tant d’humeur ?

— C’est que, quand un homme, au lieu d’agir pour lui-