Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/81

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tranger d’y puiser, et si, de l’autre, je le force à y verser.

— De mieux en mieux.

— Et pour cela deux simples décrets où le numéraire ne sera pas même mentionné. Par l’un, il sera défendu à mes sujets de rien acheter au dehors ; par l’autre, il leur sera ordonné d’y beaucoup vendre.

— C’est un plan fort bien conçu.

— Est-il nouveau ? Je vais aller me pourvoir d’un brevet d’invention.

— Ne vous donnez pas cette peine ; la priorité vous serait contestée. Mais prenez garde à une chose.

— Laquelle ?

— Je vous ai fait roi tout-puissant. Je comprends que vous empêcherez vos sujets d’acheter des produits étrangers. Il suffira d’en prohiber l’entrée. Trente ou quarante mille douaniers feront l’affaire.

— C’est un peu cher. Qu’importe ? L’argent qu’on leur donne ne sort pas du pays.

— Sans doute ; et dans notre système, c’est l’essentiel. Mais pour forcer la vente au dehors, comment procéderez-vous ?

— Je l’encouragerai par des primes, au moyen de quelques bons impôts frappés sur mon peuple.

— En ce cas, les exportateurs, contraints par leur propre rivalité, baisseront leurs prix d’autant, et c’est comme si vous faisiez cadeau à l’étranger de ces primes ou de ces impôts.

— Toujours est-il que l’argent ne sortira pas du pays.

— C’est juste. Cela répond à tout ; mais si votre système est si avantageux, les rois vos voisins l’adopteront. Ils reproduiront vos décrets ; ils auront des douaniers et repousseront vos produits, afin que chez eux non plus la pile d’argent ne diminue pas.

— J’aurai une armée et je forcerai leurs barrières.