— Ils auront une armée et forceront les vôtres.
— J’armerai des navires, je ferai des conquêtes, j’acquerrai des colonies, et créerai à mon peuple des consommateurs qui seront bien obligés de manger notre blé et boire notre vin[1].
— Les autres rois en feront autant. Ils vous disputeront vos conquêtes, vos colonies et vos consommateurs. Voilà la guerre partout et le monde en feu.
— J’augmenterai mes impôts, mes douaniers, ma marine et mon armée.
— Les autres vous imiteront.
— Je redoublerai d’efforts.
— Ils feront de même. En attendant, rien ne prouve que vous aurez réussi à beaucoup vendre.
— Il n’est que trop vrai. Bienheureux si les efforts commerciaux se neutralisent.
— Ainsi que les efforts militaires. Et dites-moi, ces douaniers, ces soldats, ces vaisseaux, ces contributions écrasantes, cette tension perpétuelle vers un résultat impossible, cet état permanent de guerre ouverte ou secrète avec le monde entier, ne sont-ils pas la conséquence logique, nécessaire de ce que le législateur s’est coiffé de cette idée (qui n’est, vous en êtes convenu, à l’usage d’aucun homme agissant pour lui-même) : « La richesse, c’est le numéraire ; accroître le numéraire, c’est accroître la richesse ? »
— J’en conviens. Ou l’axiome est vrai, et alors le législateur doit agir dans le sens que j’ai dit, bien que ce soit la guerre universelle. Ou il est faux et, en ce cas, c’est pour se ruiner que les hommes se déchirent.
— Et souvenez-vous qu’avant d’être roi, ce même axiome vous avait conduit par la logique à ces maximes : « Ce que
- ↑ Voy., au tome II, l’introduction de Cobden et la Ligue. (Note de l’éditeur.)