Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/156

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« L’utilité (la propriété qu’ont certains actes ou certaines choses de nous servir) est composée : une partie est due à l’action de la nature, une autre à l’action de l’homme. » — « Il reste d’autant moins à faire au travail humain, pour un résultat donné, que la nature a plus fait. » — « La coopération de la nature est essentiellement gratuite ; la coopération de l’homme, intellectuelle ou matérielle, échangée ou non, collective ou solitaire, est essentiellement onéreuse, ainsi que l’implique ce mot même : Effort. »

Et comme ce qui est gratuit ne saurait avoir de valeur, puisque l’idée de valeur implique celle d’acquisition à titre onéreux, il s’ensuit que la notion de Valeur sera encore mal conçue, si on l’étend, en tout ou partie, aux dons ou à la coopération de la nature, au lieu de la restreindre exclusivement à la coopération humaine.

Ainsi, de deux côtés, par deux routes différentes, nous arrivons à cette conclusion que la valeur doit avoir trait aux efforts que font les hommes pour donner satisfaction à leurs besoins.

Au troisième chapitre, nous avons constaté que l’homme ne pouvait vivre dans l’isolement. Mais si, par la pensée, nous évoquons cette situation chimérique, cet état contre nature que le dix-huitième siècle exaltait sous le nom d’état de nature, nous ne tardons pas à reconnaître qu’il ne révèle pas encore la notion de Valeur, bien qu’il présente cette manifestation de notre principe actif que nous avons appelée Effort. La raison en est simple : Valeur implique comparaison, appréciation, évaluation, mesure. Pour que deux choses se mesurent l’une par l’autre, il faut qu’elles soient commensurables, et, pour cela, il faut qu’elles soient de même nature. Dans l’isolement, à quoi pourrait-on comparer l’effort ? au besoin, à la satisfaction ? Cela ne peut conduire qu’à lui reconnaître plus ou moins d’à-propos, d’opportunité. Dans l’état social, ce que l’on compare (et