Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/25

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plénitude, si leur action n’est pas profondément troublée par l’action opposée des institutions humaines.

Nier le Mal ! nier la douleur ! qui le pourrait ? Il faudrait oublier qu’on parle de l’homme. Il faudrait oublier qu’on est homme soi-même. Pour que les lois providentielles soient tenues pour harmoniques, il n’est pas nécessaire qu’elles excluent le mal. Il suffit qu’il ait son explication et sa mission, qu’il se serve de limite à lui-même, qu’il se détruise par sa propre action, et que chaque douleur prévienne une douleur plus grande en réprimant sa propre cause.

La société a pour élément l’homme qui est une force libre. Puisque l’homme est libre, il peut choisir ; puisqu’il peut choisir, il peut se tromper ; puisqu’il peut se tromper, il peut souffrir.

Je dis plus : il doit se tromper et souffrir ; car son point de départ est l’ignorance, et devant l’ignorance s’ouvrent des routes infinies et inconnues qui toutes, hors une, mènent à l’erreur.

Or, toute Erreur engendre souffrance. Ou la souffrance retombe sur celui qui s’est égaré, et alors elle met en œuvre la Responsabilité. Ou elle va frapper des êtres innocents de la faute, et, en ce cas, elle fait vibrer le merveilleux appareil réactif de la Solidarité.

L’action de ces lois, combinée avec le don qui nous a été fait de lier les effets aux causes, doit nous ramener, par la douleur même, dans la voie du bien et de la vérité.

Ainsi non-seulement nous ne nions pas le Mal, mais nous lui reconnaissons une mission, dans l’ordre social comme dans l’ordre matériel.

Mais, pour qu’il la remplisse cette mission, il ne faut pas étendre artificiellement la Solidarité de manière à détruire