Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partis d’une manière uniforme sur la surface du globe. Quelle infinie succession de végétaux depuis la région du sapin jusqu’à celle du palmier ! Ici la terre est plus féconde, là la chaleur plus vivifiante ; sur tel point on rencontre la pierre, sur tel autre le plâtre, ailleurs le fer, le cuivre, la houille. Il n’y a pas partout des chutes d’eau ; on ne peut pas profiter également partout de l’action des vents. La seule distance où nous nous trouvons des objets qui nous sont nécessaires différencie à l’infini les obstacles que rencontrent nos efforts ; il n’est pas jusqu’aux facultés de l’homme qui ne varient, dans une certaine mesure, avec les climats et les races.

Il est aisé de comprendre que, sans la loi de la Concurrence, cette inégalité dans la distribution des dons de Dieu amènerait une inégalité correspondante dans la condition des hommes.

Quiconque serait à portée d’un avantage naturel en profiterait pour lui, mais n’en ferait pas profiter ses semblables. Il ne permettrait aux autres hommes d’y participer, par son intermédiaire, que moyennant une rétribution excessive dont sa volonté fixerait arbitrairement la limite. Il attacherait à ses services la valeur qu’il lui plairait. Nous avons vu que les deux limites extrêmes entre lesquelles elle se fixe sont la peine prise par celui qui rend le service et la peine épargnée à celui qui le reçoit. Sans la Concurrence, rien n’empêcherait de la porter à la limite supérieure. Par exemple, l’homme des tropiques dirait à l’Européen : « Grâce à mon soleil, je puis obtenir une quantité donnée de sucre, de café, de cacao, de coton avec une peine égale à dix, tandis qu’obligé, dans votre froide région, d’avoir recours aux serres, aux poêles, aux abris, vous ne le pouvez qu’avec une peine égale à cent. Vous me demandez mon sucre, mon café, mon coton, et vous ne seriez pas fâché que, dans la transaction, je ne tinsse compte que de la peine que j’ai