Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/460

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Aussi serait-il difficile de trouver, dans l’enfance des sociétés, quelque chose qui ressemble à des traitements, des appointements, des gages, des salaires, des revenus, des rentes, des intérêts, des assurances, etc., toutes choses qui ont été imaginées pour donner de plus en plus de fixité aux situations personnelles, pour éloigner de plus en plus de l’humanité ce sentiment pénible : la terreur de l’inconnu en matière de moyens d’existence.

Et, vraiment, le progrès qui a été fait dans ce sens est admirable, bien que l’accoutumance nous ait tellement familiarisés avec ce phénomène qu’elle nous empêche de l’apercevoir. En effet, puisque les résultats du travail, et par suite les jouissances humaines, peuvent être si profondément modifiés par les événements, les circonstances imprévues, les caprices de la nature, l’incertitude des saisons et les sinistres de toute sorte, comment se fait-il qu’un si grand nombre d’hommes se trouvent affranchis pour un temps, et quelques-uns pour toute leur vie, par des salaires fixes, des rentes, des traitements, des pensions de retraite, de cette part d’éventualité qui semble être l’essence même de notre nature  ?

La cause efficiente, le moteur de cette belle évolution du genre humain, c’est la tendance de tous les hommes vers le bien-être, dont la Fixité est une partie si essentielle. Le moyen c’est le traité à forfait pour les chances appréciables, ou l’abandon graduel de cette forme primitive de l’association qui consiste à attacher irrévocablement tous les associés à toutes les chances de l’entreprise, — en d’autres termes, le perfectionnement de l’association. Il est au moins singulier que les grands réformateurs modernes nous montrent l’association comme brisée juste par l’élément qui la perfectionne.

Pour que certains hommes consentent à assumer sur eux-mêmes, à forfait, des risques qui incombent naturel-