Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/518

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période théorique est nécessairement plus courte qu’aucune période observable de doublement réel.

L’observation, en effet, donne des nombres très-divers. D’après les recherches de M. Moreau de Jonnès, en prenant pour base le mouvement actuel de la population, le doublement exigerait — 555 ans en Turquie, — 227 en Suisse, — 138 en France, — 106 en Espagne, — 100 en Hollande, — 76 en Allemagne, — 43 en Russie et en Angleterre, — 25 aux États-Unis, en défalquant le contingent fourni par l’immigration.

Pourquoi ces différences énormes ? Nous n’avons aucune raison de croire qu’elles tiennent à des causes physiologiques. Les femmes suisses sont aussi bien constituées et aussi fécondes que les femmes américaines.

Il faut que la puissance génératrice absolue soit contenue par des obstacles étrangers. Et ce qui le prouve incontestablement, c’est qu’elle se manifeste aussitôt que quelque circonstance vient à écarter ces obstacles. Ainsi une agriculture perfectionnée, une industrie nouvelle, une source quelconque de richesses locales amène invariablement autour d’elle une génération plus nombreuse. Ainsi, lorsqu’un fléau comme la peste, la famine ou la guerre, détruit une grande partie de la population, on voit aussitôt la multiplication prendre un développement rapide.

Quand donc elle se ralentit ou s’arrête, c’est que l’espace et l’aliment lui manquent ou vont lui manquer ; c’est qu’elle se brise contre l’obstacle, ou que, le voyant devant elle, elle recule.

En vérité, ce phénomène, dont l’énoncé a excité tant de clameurs contre Malthus, me paraît hors de contestation.

Si l’on mettait un millier de souris dans une cage, avec ce qui est indispensable chaque jour pour les faire vivre, malgré la fécondité connue de l’espèce, leur nombre ne pourrait pas dépasser mille ; ou, s’il allait au delà, il y au-