Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/552

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soit quant à ce qu’on cède, soit quant à ce qu’on reçoit, un double consentement réciproque. Les notions de troc, échange, appréciation, valeur, ne se peuvent donc concevoir sans liberté, non plus que celle-ci sans responsabilité. En recourant à l’échange, chaque partie consulte, à ses risques et périls, ses besoins, ses goûts, ses désirs, ses facultés, ses affections, ses convenances, l’ensemble de sa situation ; et nous n’avons nié nulle part qu’à l’exercice du libre arbitre ne s’attache la possibilité de l’erreur, la possibilité d’un choix déraisonnable ou insensé. La faute n’en est pas à l’échange, mais à l’imperfection de la nature humaine ; et le remède ne saurait être ailleurs que dans la responsabilité elle-même (c’est-à-dire dans la liberté), puisqu’elle est la source de toute expérience. Organiser la contrainte dans l’échange, détruire le libre arbitre sous prétexte que les hommes peuvent se tromper, ce ne serait rien améliorer ; à moins que l’on ne prouve que l’agent chargé de contraindre ne participe pas à l’imperfection de notre nature, n’est sujet ni aux passions ni aux erreurs, et n’appartient pas à l’humanité. N’est-il pas évident, au contraire, que ce serait non-seulement déplacer la responsabilité, mais encore l’anéantir, du moins en ce qu’elle a de plus précieux, dans son caractère rémunérateur, vengeur, expérimental, correctif et par conséquent progressif ? Nous avons vu encore que les échanges libres, ou les services librement reçus et rendus étendent sans cesse, sous l’action de la concurrence, le concours des forces gratuites proportionnellement à celui des forces onéreuses, le domaine de la communauté proportionnellement au domaine de la propriété ; et nous sommes arrivés ainsi à reconnaître, dans la liberté, la puissance qui réalise de plus en plus l’égalité en tous sens progressive, ou l’Harmonie sociale.

Quant aux procédés de l’échange libre, ils n’ont pas besoin d’être décrits, car si la contrainte a des formes infi-