Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/629

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Il y a donc, dans le jeu naturel de cette grande loi, tout un système précieux d’enseignements auquel il est très-imprudent de toucher.

Que si vous soustrayez, par des combinaisons irréfléchies, les hommes à la responsabilité de leurs actes, ils pourront bien encore être instruits par la théorie, — mais non plus par l’expérience. Et je ne sais si une instruction que l’expérience ne vient jamais consolider et sanctionner n’est pas plus dangereuse que l’ignorance même…

Le sens de la responsabilité est éminemment perfectible.

C’est un des plus beaux phénomènes moraux. Il n’est rien que nous admirions plus dans un homme, une classe ou une nation, que le sens de la responsabilité ; il indique une grande culture morale et une exquise sensibilité aux arrêts de l’opinion. Mais il peut arriver que le sens de la responsabilité soit très-développé en une matière et très-peu en une autre. En France, dans les classes élevées, on mourrait de honte si on était surpris trichant au jeu ou s’adonnant solitairement à la boisson. On en rit parmi les paysans. Mais trafiquer de ses droits politiques, exploiter son vote, se mettre en contradiction avec soi-même, crier tour à tour : Vive le Roi ! vive la Ligue ! selon l’intérêt du moment… Ce sont des choses qui n’ont rien de honteux dans nos mœurs.

Le développement du sens de la responsabilité a beaucoup à attendre de l’intervention des femmes.

Elles y sont extrêmement soumises. Il dépend d’elles de créer cette force moralisatrice parmi les hommes ; car il leur appartient de distribuer efficacement le blâme et l’éloge… Pourquoi ne le font-elles pas ? parce qu’elles ne savent pas assez la liaison des effets aux causes en morale…

La morale est la science de tout le monde, mais particulièrement des femmes, parce qu’elles font les mœurs…