Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/640

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culté, au moins dans une certaine mesure, de fuir le mal et de rechercher le bien. Le libre arbitre suppose et accompagne l’intelligence. Que signifierait la faculté de choisir, si elle n’était liée à la faculté d’examiner, de comparer, de juger ? Ainsi tout homme venant au monde y porte un moteur et une lumière.

Le moteur, c’est cette impulsion intime, irrésistible, essence de toutes nos forces, qui nous porte à fuir le Mal et à rechercher le Bien. On le nomme instinct de conservation, intérêt personnel ou privé.

Ce sentiment a été tantôt décrié, tantôt méconnu, mais quant à son existence, elle est incontestable. Nous recherchons invinciblement tout ce qui selon nos idées peut améliorer notre destinée ; nous évitons tout ce qui doit la détériorer. Cela est au moins aussi certain qu’il l’est que toute molécule matérielle renferme la force centripète et la force centrifuge. Et comme ce double mouvement d’attraction et de répulsion est le grand ressort du monde physique, on peut affirmer que la double force d’attraction humaine pour le bonheur, de répulsion humaine pour la douleur, est le grand ressort de la mécanique sociale.

Mais il ne suffit pas que l’homme soit invinciblement porté à préférer le bien au mal, il faut encore qu’il le discerne. Et c’est à quoi Dieu a pourvu en lui donnant cet appareil complexe et merveilleux appelé l’intelligence. Fixer son attention, comparer, juger, raisonner, enchaîner les effets aux causes, se souvenir, prévoir ; tels sont, si j’ose m’exprimer ainsi, les rouages de cet instrument admirable.

La force impulsive, qui est en chacun de nous, se meut sous la direction de notre intelligence. Mais notre intelligence est imparfaite. Elle est sujette à l’erreur. Nous comparons, nous jugeons, vous agissons en conséquence ; mais nous pouvons nous tromper, faire un mauvais choix, tendre vers le mal le prenant pour le bien, fuir le bien le prenant