Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/154

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Or, en dehors de la compensation, c’est ce qui arriverait infailliblement.

Les dispositions analogues à celles que je viens de supposer ont toutes ce commun résultat d’exhausser, pour l’armateur, le prix de revient de ses moyens de transport. Si aucune indemnité ne lui est accordée, il cessera de naviguer en concurrence avec l’étranger, car toute la puissance du Gouvernement ne saurait le forcer à naviguer à perte. Nous voilà donc sans marins et sans défense. Certes mieux eût valu ne pas intervenir dans cette industrie, même avec la chance de la voir succomber. Le pire de tout, c’est de faire comme je ne sais quel philosophe : acheter fort cher un regret.

On m’a demandé ce que je déciderais dans ce cas.

Supposez la marine marchande entièrement libre, et que cependant elle ne puisse pas se soutenir.

Je n’aime guère à m’évertuer sur des problèmes imaginaires ; mais enfin je crois qu’on peut déduire de ce qui précède les solutions suivantes, dont aucune, ce me semble, n’est incompatible avec la justice ni avec la liberté.

La nation aurait à décider : d’abord si elle veut s’assurer des moyens de défense ; ensuite s’il n’y a aucun moyen plus économique et plus sûr que d’assister, de soudoyer la marine marchande ; enfin, s’il n’y en a pas de meilleur, qu’il faut s’y résoudre.

Mais ce que je voudrais qui fût bien entendu, pour l’honneur des théories (car j’avoue mon respect des théories), c’est ceci : que lorsque des considérations supérieures vous réduisent à soudoyer une industrie qui tomberait sans cela, il ne faut pas s’imaginer que cette industrie soit lucrative, que le travail et les capitaux qu’elle occupe reçoivent industriellement un bon emploi ; il faut savoir qu’on perd, il faut savoir qu’on fait un sacrifice à la sûreté nationale ; il ne faut pas surtout s’étayer de cet exemple pour appliquer à