Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/19

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leurs idées, que, comme Platon, ils ne rêvent pas de chimériques républiques ; que, comme les Gracques, ils n’aient pas le regard fixé sur le mont Aventin ? que comme Brutus, ils ne méditent pas la gloire sanglante d’un sublime dévouement.

Je concevrais l’éducation littéraire si nous étions, comme les Athéniens, un peuple d’oisifs. Disserter à perte de vue sur la métaphysique, l’éloquence, la mythologie, les beaux-arts, la poésie, c’est, je crois, le meilleur usage que puisse faire de ses loisirs un peuple de patriciens qui se meut au-dessus d’une multitude d’esclaves.

Mais, à qui doit créer lui-même le nutritum, le vestitum et le tectum, que servent les subtilités de l’école et les rêvasseries des sept sages de la Grèce ? Si Charles doit être laboureur, il faut qu’il apprenne ce que sont en réalité l’eau, la terre et les plantes, et non ce qu’en ont dit Thalès et Épicure. Il lui faut la physique des faits et non la physique des poëtes, la science et non l’érudition. Notre siècle est comme Chrysale :

Il vit de bonne soupe, et non de beau langage.

J’entends d’ici Belise se récrier : Se peut-il rencontrer un homme aussi prosaïque, aussi vulgaire,

Un esprit composé d’atomes si bourgeois ?

Et n’est-il pas triste de voir, pour parler le jargon du jour (qui ressemble assez à celui de Belise), le Fait étouffer l’Idée ?

Je répondrai que l’Idée de l’âge héroïque, idée de domination, de rapine et d’esclavage, n’est ni plus grande ni même plus poétique que l’Idée de l’âge industriel, idée de travail, d’égalité et d’unité, et j’ai pour moi l’autorité de deux grands poëtes, Byron et Lamartine.

Quoi qu’il en soit, si l’homme ne vit pas seulement de pain, il vit encore moins d’ambroisie, et j’oserais dire (en priant d’excuser le jeu de mots) que dans notre système