Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/284

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I. — Je ne vote pas pour M. A., parce qu’il ne m’a pas réclamé mon suffrage.


Ce sophisme, comme tous les autres, repose sur un sentiment qui, en lui-même, n’est pas répréhensible, sur le sentiment de la dignité personnelle.

Il est rare en effet que les paradoxes par lesquels les hommes s’en imposent à eux-mêmes, pour s’encourager à une action mauvaise, soient complétement faux. C’est un tissu dans lequel on aperçoit toujours quelques fils de bon aloi. Il y a toujours en eux quelque chose de vrai, et c’est par ce côté qu’ils en imposent. S’ils étaient faux de tous points, ils ne feraient pas tant de dupes.

Celui que nous examinons revient à ceci :

« M. A. aspire à la députation. La députation est le chemin des honneurs et de la fortune. Il sait que mon suffrage peut concourir à sa nomination. C’est bien la moindre chose qu’il me le demande. S’il fait le fier, je ferai le fier à mon tour ; et quand je consens à disposer en faveur de quelqu’un d’une chose aussi précieuse que mon vote, j’entends qu’on m’en sache gré, qu’on ne dédaigne pas de venir chez moi, d’entrer en relation avec moi, de me serrer la main, etc., etc. »

Il est bien clair que l’Électeur qui raisonne ainsi tombe dans la double erreur que nous avons signalée.

1o Il croit que son vote est donné pour l’utilité du candidat.

2o Il pense, qu’en fait de services, il est le maître d’en rendre à qui il lui plaît.

En un mot, il fait abstraction des biens et des maux publics qui peuvent résulter de son choix.

Car s’il avait présent à l’esprit que le but de tout le mé-