Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/335

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faible et impuissante d’abord, mais qui a grandi en richesse, en force, en influence assez pour entraîner de son côté une partie de l’aristocratie et tenir l’autre en échec ; classe à laquelle nous devrions tendre la main, dont nous devrions partager les sentiments et les espérances, si nous n’étions retenus par cette funeste et décourageante pensée que les progrès qu’elle doit au travail, à l’industrie et au commerce menacent notre prospérité et notre indépendance ; les menacent sous une autre forme, mais autant que pouvait le faire la politique des Walpole, des Pitt, etc., etc.

C’est ainsi que l’anglophobie s’est généralisée, et j’avoue que je ne puis voir qu’avec dégoût les moyens qui ont été employés pour l’entretenir et l’irriter. Premier moyen bien simple et non moins odieux ; il consiste à tirer parti de la diversité des langues. On a profité de ce que la langue anglaise était peu connue en France pour nous persuader que toute la littérature et le journalisme anglais n’étaient qu’outrages, insultes et calomnies perpétuellement vomis contre la France ; d’où elle ne pouvait manquer de conclure qu’elle était, de l’autre côté du détroit, l’objet d’une haine générale et inextinguible.

En cela on était merveilleusement servi par la liberté illimitée de la presse et de la parole qui existe chez nos voisins. En Angleterre, comme en France, il n’y a pas de question sur laquelle les avis ne se partagent ; en sorte qu’il est toujours possible, dans chaque occasion, de dénicher un orateur ou un journal qui a pris la question du côté qui nous blesse. L’odieuse tactique de nos journaux a été d’aller extraire, de ces discours et ces écrits, les passages les plus propres à humilier notre orgueil national, et de les donner comme l’expression de l’opinion publique en Angleterre, en ayant bien soin de tenir dans l’ombre tout ce qui s’était dit ou écrit dans le sens opposé, même par les journaux les plus influents et les orateurs les plus populaires. Le résultat a