Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, X.djvu/82

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sultat de mes efforts comme labeur et le résultat comme rémunération, on trouverait certes celui-ci bien au-dessous de celui-là ! »

Il avait préparé avec soin sa phrase qu’il jugeait excellente.

M. Torchebeuf, surpris, cherchait sa réplique. Enfin, il prononça d’un ton un peu froid : « Bien qu’il ne soit pas admissible, en principe, qu’on discute ces choses entre chef et employé, je veux bien pour cette fois vous répondre, eu égard à vos services très méritants.

« Je vous ai proposé pour l’avancement, comme les années précédentes. Mais le directeur a écarté votre nom en se basant sur ce que votre mariage vous assure un bel avenir, plus qu’une aisance, une fortune que n’atteindront jamais vos modestes collègues. N’est-il pas équitable, en somme, de faire un peu la part de la condition de chacun ? Vous deviendrez riche, très riche. Trois cents francs de plus par an ne seront rien pour vous, tandis que cette petite augmentation comptera beaucoup dans la poche des autres. Voilà, mon ami, la raison qui vous a fait rester en arrière cette année. »

Lesable, confus et irrité, se retira.

Le soir, au dîner, il fut désagréable pour sa femme. Elle se montrait ordinairement gaie et