Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XVI.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui habite Marseille. Sacristi, comme ça s’égrène, une famille ! ça me fait trembler quand j’y pense ! Moi, j’avais quinze ans, puisque j’en ai cinquante-six.

Donc, nous allions fêter les Rois, et nous étions très gais, très gais ! Tout le monde attendait le dîner dans le salon, quand mon frère aîné, Jacques, se mit à dire : « Il y a un chien qui hurle dans la plaine depuis dix minutes ; ça doit être une pauvre bête perdue. »

Il n’avait pas fini de parler, que la cloche du jardin tinta. Elle avait un gros son de cloche d’église qui faisait penser aux morts. Tout le monde en frissonna. Mon père appela le domestique et lui dit d’aller voir. On attendit en grand silence ; nous pensions à la neige qui couvrait toute la terre. Quand l’homme revint, il affirma qu’il n’avait rien vu. Le chien hurlait toujours, sans cesse, et sa voix ne changeait point de place.

On se mit à table ; mais nous étions un peu émus, surtout les jeunes. Ça alla bien jusqu’au rôti, puis voilà que la cloche se remet à sonner, trois fois de suite, trois grands coups, longs, qui ont vibré jusqu’au bout de nos doigts et qui nous ont coupé le souffle, tout net. Nous