Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XVI.djvu/135

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restions à nous regarder, la fourchette en l’air, écoutant toujours, et saisis d’une espèce de peur surnaturelle.

Ma mère enfin parla : « C’est étonnant qu’on ait attendu si longtemps pour revenir ; n’allez pas seul, Baptiste ; un de ces messieurs va vous accompagner ».

Mon oncle François se leva. C’était une espèce d’hercule, très fier de sa force et qui ne craignait rien au monde. Mon père lui dit : « Prends un fusil. On ne sait pas ce que ça peut être. »

Mais mon oncle ne prit qu’une canne et sortit aussitôt avec le domestique.

Nous autres, nous demeurâmes frémissants de terreur et d’angoisse, sans manger, sans parler. Mon père essaya de nous rassurer : « Vous allez voir, dit-il, que ce sera quelque mendiant ou quelque passant perdu dans la neige. Après avoir sonné une première fois, voyant qu’on n’ouvrait pas tout de suite, il a tenté de retrouver son chemin, puis, n’ayant pu y parvenir, il est revenu à notre porte. »

L’absence de mon oncle nous parut durer une heure. Il revint enfin, furieux, jurant : « Rien, nom de nom, c’est un farceur ! Rien que ce maudit chien qui hurle à cent mètres