Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XVI.djvu/61

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rible ; et bien qu’il s’efforçât de chasser cette image, qu’il l’écartât avec terreur, avec dégoût, il la sentait rôder dans son esprit, tourner autour de lui, attendant sans cesse le moment de réapparaître.

Alors il eut peur des soirs, peur de l’ombre tombant autour de lui. Il ne savait pas encore pourquoi les ténèbres lui semblaient effrayantes ; mais il les redoutait d’instinct ; il les sentait peuplées de terreurs. Le jour clair ne se prête point aux épouvantes. On y voit les choses et les êtres ; aussi n’y rencontre-t-on que les choses et les êtres naturels qui peuvent se montrer dans la clarté. Mais la nuit, la nuit opaque, plus épaisse que des murailles, et vide, la nuit infinie, si noire, si vaste, où l’on peut frôler d’épouvantables choses, la nuit où l’on sent errer, rôder l’effroi mystérieux, lui paraissait cacher un danger inconnu, proche et menaçant. Lequel ?

Il le sut bientôt. Comme il était dans son fauteuil, assez tard, un soir qu’il ne dormait pas, il crut voir remuer le rideau de sa fenêtre. Il attendit, inquiet, le cœur battant ; la draperie ne bougeait plus ; puis soudain, elle s’agita de nouveau ; du moins il pensa qu’elle s’agitait. Il n’osait point se lever ; il n’osait plus