Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XVI.djvu/62

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respirer ; et pourtant il était brave ; il s’était battu souvent et il aurait aimé découvrir chez lui des voleurs.

Était-il vrai qu’il remuait, ce rideau ? Il se le demandait, craignant d’être trompé par ses yeux. C’était si peu de chose, d’ailleurs, un léger frisson de l’étoffe, une sorte de tremblement des plis, à peine une ondulation comme celle que produit le vent. Renardet demeurait les yeux fixes, le cou tendu ; et brusquement il se leva, honteux de sa peur, fit quatre pas, saisit la draperie à deux mains et l’écarta largement. Il ne vit rien d’abord que les vitres noires, noires comme des plaques d’encre luisante. La nuit, la grande nuit impénétrable s’étendait par-derrière jusqu’à l’invisible horizon. Il restait debout en face de cette ombre illimitée ; et tout à coup il y aperçut une lueur, une lueur mouvante, qui semblait éloignée. Alors il approcha son visage du carreau, pensant qu’un pêcheur d’écrevisses braconnait sans doute dans la Brindille, car il était minuit passé, et cette lueur rampait au bord de l’eau, sous la futaie. Comme il ne distinguait pas encore, Renardet enferma ses yeux entre ses mains ; et brusquement cette lueur devint une clarté, et il aper-