lérable. Il passait ses jours dans la terreur des nuits ; et chaque nuit, la vision recommençait. À peine enfermé dans sa chambre, il essayait de lutter ; mais en vain. Une force irrésistible le soulevait et le poussait à sa vitre, comme pour appeler le fantôme et il le voyait aussitôt, couché d’abord au lieu du crime, couché les bras ouverts, les jambes ouvertes, tel que le corps avait été trouvé. Puis la morte se levait et s’en venait, à petits pas, ainsi que l’enfant avait fait en sortant de la rivière. Elle s’en venait, doucement, tout droit en passant sur le gazon et sur la corbeille de fleurs desséchées ; puis elle s’élevait dans l’air, vers la fenêtre de Renardet. Elle venait vers lui, comme elle était venue le jour du crime, vers le meurtrier. Et l’homme reculait devant l’apparition, il reculait jusqu’à son lit et s’affaissait dessus, sachant bien que la petite était entrée et qu’elle se tenait maintenant derrière le rideau qui remuerait tout à l’heure. Et jusqu’au jour il le regardait, ce rideau, d’un œil fixe, s’attendant sans cesse à voir sortir sa victime. Mais elle ne se montrait plus ; elle restait là, sous l’étoffe agitée parfois d’un tremblement. Et Renardet, les doigts crispés sur ses draps, les serrait ainsi qu’il avait serré la gorge
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Apparence