Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XVI.djvu/82

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— Tiens, en voilà une drôle d’histoire que je ne t’ai jamais racontée, une histoire sentimentale pourtant, et qui m’est arrivée ! Oh ! ce fut un singulier jour de l’an, cette année-là. Il y a de cela vingt ans… puisque j’avais trente ans et que j’en ai cinquante !…

J’étais alors inspecteur de la Compagnie d’assurances maritimes que je dirige aujourd’hui. Je me disposais à passer à Paris la fête du 1er janvier, puisqu’on est convenu de faire de ce jour un jour de fête, quand je reçus une lettre du directeur me donnant l’ordre de partir immédiatement pour l’île de Ré, où venait de s’échouer un trois-mâts de Saint-Nazaire, assuré par nous. Il était alors huit heures du matin. J’arrivai à la Compagnie, à dix heures, pour recevoir des instructions, et, le soir même, je prenais l’express, qui me déposait à La Rochelle le lendemain 31 décembre.

J’avais deux heures, avant de monter sur le bateau de Ré, le Jean-Guiton. Je fis un tour en ville. C’est vraiment une ville bizarre et de grand caractère que La Rochelle, avec ses rues mêlées comme un labyrinthe et dont les trottoirs courent sous des galeries sans fin, des galeries à arcades comme celles de la rue