Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/370

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En effet, elle démêlait en Paz une sorte de servitude volontaire. Cette idée n’allait pas alors sans une sorte de mésestime pour un amphibie social, un être à la fois secrétaire et intendant, ni tout à fait intendant ni tout à fait secrétaire, quelque parent pauvre ; un ami gênant.

— C’est, comtesse, répondit-il assez librement, qu’il n’y a pas de remerciements à me faire : je suis l’ami d’Adam, et je mets mon plaisir à prendre soin de ses intérêts.

— Tu restes debout pour ton plaisir aussi, dit le comte Adam.

Paz s’assit sur un fauteuil auprès de la portière.

— Je me souviens de vous avoir vu lors de mon mariage, et quelquefois dans la cour, dit la jeune femme. Mais pourquoi vous placer dans une condition d’infériorité, vous, l’ami d’Adam ?

— L’opinion des Parisiens m’est tout à fait indifférente, dit-il. Je vis pour moi, ou, si vous voulez, pour vous deux.

— Mais l’opinion du monde sur l’ami de mon mari ne peut pas m’être indifférente…

— Oh ! madame, le monde est bientôt satisfait avec ce mot : c’est un original ! Dites-le.

Un moment de silence.

— Comptez-vous sortir, demanda-t-il.

— Voulez-vous venir au bois ? répondit la comtesse.

— Volontiers.

Sur ce mot, Paz sortit en saluant.

— Quel bon être ! il a la simplicité d’un enfant, dit Adam.

— Racontez-moi maintenant vos relations avec lui, demanda Clémentine.

— Paz, ma chère âme, dit Laginski, est d’une noblesse aussi vieille et aussi illustre que la nôtre. Lors de leurs désastres, un des Pazzi se sauva de Florence en Pologne, où il s’établit avec quelque fortune, et y fonda la famille Paz, à laquelle on a donné le titre de comte. Cette famille, qui s’est distinguée dans les beaux jours de notre république royale, est devenue riche. La bouture de l’arbre abattu en Italie a poussé si vigoureusement, qu’il y a plusieurs branches de la maison comtale des Paz. Ce n’est donc pas t’apprendre quelque chose d’extraordinaire que de te dire qu’il existe des Paz riches et des Paz pauvres. Notre Paz est le rejeton d’une branche pauvre. Orphelin, sans autre fortune que son épée, il servait dans le régiment du grand-duc Constantin lors de notre révolution.