Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/466

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Gandolphini furent rappelés et réintégrés dans leurs biens à l’avénement du roi. Au milieu de sa lutte, ce fut un repos plein de douceur, il passa trois mois à la villa Gandolphini, bercé d’espérances.

Rodolphe recommença l’édifice de sa fortune. Déjà ses talents avaient été distingués, il allait enfin réaliser les vœux de son ambition, une place éminente était promise à son zèle, en récompense de son dévouement et de services rendus, quand éclata l’orage de juillet 1830, et sa barque sombra de nouveau.

Elle et Dieu, tels sont les deux témoins des efforts les plus courageux, des plus audacieuses tentatives d’un jeune homme doué de qualités, mais à qui, jusqu’alors, a manqué le secours du dieu des sots, le Bonheur ! Et cet infatigable athlète, soutenu par l’amour, recommence de nouveaux combats, éclairé par un regard toujours ami, par un cœur fidèle ! Amoureux ! priez pour lui !



En achevant ce récit, qu’elle dévora, mademoiselle de Watteville avait les joues en feu, la fièvre était dans ses veines ; elle pleurait, mais de rage. Cette Nouvelle, inspirée par la littérature alors à la mode, était la première lecture de ce genre qu’il fût permis à Philomène de faire. L’amour y était peint, sinon par une main de maître, du moins par un homme qui semblait raconter ses propres impressions ; or, la vérité, fût-elle inhabile, devait toucher une âme encore vierge. Là, se trouvait le secret des agitations terribles, de la fièvre et des larmes de Philomène : elle était jalouse de Francesca Colonne. Elle ne doutait pas de la sincérité de cette poésie : Albert avait pris plaisir à raconter le début de sa passion en cachant sans doute les noms, peut-être aussi les lieux. Philomène était saisie d’une infernale curiosité. Quelle femme n’eût pas, comme elle, voulu savoir le vrai nom de sa rivale, car elle aimait ! En lisant ces pages contagieuses pour elle, elle s’était dit ce mot solennel : J’aime ! Elle aimait Albert, et se sentait au cœur une mordante envie de le disputer, de l’arracher à cette rivale inconnue. Elle pensa qu’elle ne savait pas la musique et qu’elle n’était pas belle.

— Il ne m’aimera jamais, se dit-elle.

Cette parole redoubla son désir de savoir si elle ne se trompait pas, si réellement Albert aimait une princesse italienne, et s’il était aimé d’elle. Durant cette fatale nuit, l’esprit de décision rapide qui distinguait le fameux Watteville se déploya tout entier chez son