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Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/214

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donnera sur ses vingt mille livres de rentes viagères, ce qui aidera d’autant votre existence. Nous connaissons madame trop généreuse, trop grande pour supposer qu’elle veuille être à charge à ses enfants. Ainsi vous vivrez unis, heureux, en pouvant disposer de cent mille francs par an, somme suffisante, n’est-ce pas, monsieur le comte ? pour jouir en tout pays des agréments de l’existence et satisfaire ses caprices. Et croyez-moi, les jeunes mariés sentent souvent la nécessité d’un tiers dans leur ménage. Or, je le demande, quel tiers plus affectueux qu’une bonne mère ?…

Paul croyait entendre un ange en entendant parler Solonet. Il regarda Mathias pour savoir s’il ne partageait pas son admiration pour la chaleureuse éloquence de Solonet, car il ignorait que sous les feints emportements de leurs paroles passionnées, les notaires comme les avoués cachent la froideur et l’attention continue des diplomates.

— Un petit paradis, s’écria le vieillard.

Stupéfait par la joie de son client, Mathias alla s’asseoir sur une ottomane, la tête dans une de ses mains, plongé dans une méditation évidemment douloureuse. La lourde phraséologie dans laquelle les gens d’affaires enveloppent à dessein leurs malices, il la connaissait, et n’était pas homme à s’y laisser prendre. Il se mit à regarder à la dérobée son confrère et madame Évangélista qui continuèrent à converser avec Paul, et il essaya de surprendre quelques indices du complot dont la trame si savamment ourdie commençait à se laisser voir.

— Monsieur, dit Paul à Solonet, je vous remercie du soin que vous prenez à concilier nos intérêts. Cette transaction résout toutes les difficultés plus heureusement que je ne l’espérais ; si toutefois elle vous convient, madame, dit-il en se tournant vers madame Évangélista, car je ne voudrais rien de ce qui ne vous arrangerait pas également.

— Moi, reprit-elle, tout ce qui fera le bonheur de mes enfants me comblera de joie. Ne me comptez pour rien.

— Il n’en doit pas être ainsi, dit vivement Paul. Si votre existence n’était pas honorablement assurée, Natalie et moi nous en souffririons plus que vous n’en souffririez vous-même.

— Soyez sans inquiétude, monsieur le comte, reprit Solonet.

— Ah ! pensa maître Mathias, ils vont lui faire baiser les verges avant de lui donner le fouet.

— Rassurez-vous, disait Solonet, il se fait en ce moment tant